A) Viollet-le-Duc, l'architecte en faveur de la réinvention
Viollet-le-Duc,
célèbre architecte et théoricien français (1814-1879), est le fils d’un haut
fonctionnaire, devenu en 1830 conservateur des résidences royales de
Louis-Philippe 1er. Cette année-là, bien que le jeune Viollet-le-Duc se destine
à l’architecture, il refuse d’entrer à l’école des Beaux-Arts, fermement opposé
à l’enseignement traditionnel. Il se forme seul au cours de voyages en France
et en Italie, pendant lesquels il manifeste un incroyable talent de
dessinateur. En 1848, Prosper Mérimée, inspecteur général des Monuments
historiques, lui confie la restauration de la basilique de Vézelay, menacée par
la ruine.
C’est le début de sa brillante carrière : il restaure Notre-Dame
de Paris (1843), les basiliques de Saint-Denis et de Saint-Sernin de Toulouse
(1847), les remparts de la cité de Carcassonne, la cathédrale d’Amiens (1849),
et reconstruit le château de Pierrefonds. Il trouve également le temps de
collaborer avec Didron sur les Annales
archéologiques, et consigne le résultat de ses travaux dans les dix volumes
du Dictionnaire raisonné de
l’architecture française du XIe au XVIe siècle (publiés entre 1854 et 1868)
ainsi que le Dictionnaire du mobilier
(1858-1875).
Le
style néogothique
Sous
la Restauration (le retour à la monarchie entre 1814 et 1830), le manque de
possibilités financières réduit l’activité architecturale : en effet, les
architectes se contentent de terminer des édifices classiques. De plus, le
XVIIIe siècle a été néfaste pour l’architecture médiévale, (quelques édifices
ont été détruits) qui évoque pour les Lumières la féodalité et la superstition.
En 1806, Napoléon décide de faire restaurer Saint-Denis et d’en faire une
nécropole impériale : c’est la première décision en faveur du Moyen-Age.
En 1857, Franz Christian Gau construit la première église néogothique de la capitale,
Sainte Clotilde : Gau devient le précurseur du néogothique. L’architecture
gothique, vilipendée à la Renaissance et à l’âge classique, revient en force,
portée par les romantiques et Victor Hugo : son livre Notre-Dame de Paris, publié en 1831, connait un vif succès et fait
naître chez le public un engouement pour le gothique. Les monuments anciens
stimulent l’esprit d’invention des artistes contemporains, qui se tournent vers
les œuvres du passé pour démontrer leur supériorité sur leurs prédécesseurs.
Viollet-le-Duc profite de ce mouvement :
il veut faire revivre le gothique des XIIe et XIIIe siècles, qu’il considère
comme un âge d’or. Il voit dans le
Moyen-Age la période qui exprime le mieux l’identité de la nation française.
Pour lui, son retour s’impose, car sa décoration est raffinée mais éloignée des
tentations du luxe. Chaque élément d’une structure a sa raison d’être : la
rationalité est essentielle pour
l’architecte. Il voit dans les constructions médiévales des organismes vivants,
dont chaque élément est complémentaire des autres, assurant le fonctionnement
de l’ensemble.
Cependant,
les restaurations de ce passionné du Moyen-Age sont, encore aujourd’hui,
controversées. Dans l’opinion courante, le nom de Viollet-le-Duc reste encore associé aux abus de la restauration, à la réinvention du patrimoine. « Faire du Viollet-le-Duc » signifiait, jusqu'à une époque récente, "restituer abusivement".
Il lui est reproché de ne pas avoir respecté l’authenticité originelle des monuments.
La
théorie de Viollet-le-Duc
En
1844, dans son projet pour Notre-Dame de Paris, Viollet-le-Duc affirme le
principe de conservation intégrale de l’édifice à restaurer. En 1858, dans son Dictionnaire, il développe largement ses
idées, avec une thèse courageuse : « Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le
refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé
à un moment donné. » Cette thèse radicale s’accompagne de plusieurs
conditions : la restauration doit être documentée scientifiquement par des
photographies, des études archéologiques, etc, elle exclut donc toute
modification qui serait contraire à ces relevés ; et elle concerne son
aspect mais aussi sa structure qui doit survivre au temps. Enfin, le
restaurateur doit conserver les modifications anciennes apportées à l’édifice,
à l’exception de celles qui compromettent sa stabilité ou sa conservation, ou
qui nuisent à la valeur de son témoignage historique. On peut donc dire que la
méthode de Viollet-le-Duc est exemplaire, car elle se fonde sur une
connaissance intime du monument. Il a été l’un des premiers à comprendre l’intérêt de la photographie.
Souvent perçues comme arbitraires, ses restaurations se fondaient en fait sur
une pensée rationnelle, fondée à partir d’études archéologiques approfondies.
Cependant, au XIXe siècle, les relevés scientifiques étaient souvent imparfaits
et cela conduisit Viollet-le-Duc à des erreurs. De plus, avant de restaurer, il
observait longuement le monument jusqu’à ce qu’il ait une faculté restauratrice assez puissante pour l’imaginer tel qu’il
était dans le passé. Ces visions, qui peuvent surgir du décalage entre la
réalité et sa sensibilité, lui apparaissent dès la fin de son enfance.
Toutefois, si l’on juge les résultats de ses
principales restaurations (Vézelay, Notre-Dame de Paris, Saint-Denis…), on doit
reconnaître une réussite technique à peu près totale : les structures
défaillantes ont bien été rétablies et certains monuments ont été sauvés de la
ruine. Saint-Sernin de Toulouse constitue une exception.
Mais,
dans les faits, au-delà de la structure de l’œuvre, Viollet-le-Duc se sentait
souvent en droit d’attribuer des éléments qui n’avaient jamais existés :
il reconstruit alors un monument utopique.
La cathédrale idéale de
Viollet-le-Duc
L’Idée d’une cathédrale du XIIIe
siècle a été publiée sans
date avant 1858, pour illustrer l’article « Cathédrale » du Dictionnaire raisonné de Viollet-le-Duc.
Il voulait représenter une cathédrale typique du Moyen-Age et s’en explique
ainsi : « (…) afin de donner
une idée de ce que devait être une cathédrale du XIIIe siècle, complète,
achevée, telle qu’elle avait été conçue ». L’auteur annonce qu’il
s’est inspiré de la cathédrale de Reims. On retrouve son ombre portée sur
l’achèvement de plusieurs cathédrales : Moulins, Quimper,
Clermont-Ferrand, Bayonne et Lille. Gaudi s’est inspiré de cette cathédrale
idéale pour la Sagrada Familia.
La
restauration de Notre-Dame de Paris
Dans
le deuxième quart du XIXe siècle, la cathédrale est dans un état précaire,
n’ayant bénéficié d’aucun entretien d’envergure depuis la Révolution : il
est urgent de la restaurer (il avait même était envisagé de l’abattre
totalement). En 1831, avec la
publication de Notre-Dame de Paris,
Hugo révèle la portée nationale et la dimension identitaire de la cathédrale.
En 1842, Viollet-le-Duc remporte le concours pour sa restauration. Le chantier
est doté d’un budget de 2 650 000 francs. Après un an de travaux,
ceux-ci s’arrêtent ; le crédit étant absorbé. En 1853, le chantier reprend. Viollet-le-Duc
définit les principes de la restauration de la cathédrale : il veut
faire preuve d’une « abnégation complète » de toute opinion personnelle et d’une « religieuse discrétion ».
Toutefois, certains passages du Projet de
la restauration de Notre-Dame de Paris montrent qu’il n’avait nullement
l’intention de se limiter à préserver le bâtiment en état. Il précise également
que pour lui, l’honnêteté d’une restauration repose non sur une reproduction
des formes à l’identique mais, avant tout, sur la reproduction des techniques primitives.
Viollet-le-Duc considère que la connaissance des procédés originaux est la
garantie de la réussite d’une restauration.
Les
silhouettes des flèches ponctuaient l’horizon des villes à la fin du Moyen-Age,
et notamment celle de Paris. Pour remplacer la flèche gothique démontée en
1792, Viollet-le-Duc fait élever une flèche de 96m de haut, à la croisée du
transept, inspirée, bien sûr, du XIIIe siècle. En l’érigeant, l’architecte fait
autant œuvre de restaurateur que de créateur !,
son objectif n’étant pas d’imprimer sa marque mais plus de s’inscrire dans la
continuité historique. Il se considère
comme un lien entre le passé et le présent. D’ailleurs, à l’instar des
bâtisseurs du Moyen-Age, il se fait représenter sous les traits d’une des
statues d’apôtres, celle de Saint-Thomas, en bas de la flèche. Saint-Thomas est
le seul à la regarder. Il porte une règle sur laquelle est écrite non amplivs dvbito (« il ne fait
aucun doute »), qui exprime la fierté et l’ambition de Viollet-le-Duc.
Viollet-le-Duc
a également rétablit l’élévation du haut vaisseau de la cathédrale mais il
hésita beaucoup, étant donné que la réalisation de grandes fenêtres au XIIIe
siècle avait perturbé l’articulation primitive du monument ainsi que la gestion
des eaux pluviales (suppression des combles). Au cours des travaux du chœur
puis de la nef (entre 1849 et 1854), des roses ont été construites sous les
verrières afin d’élever Notre-Dame de Paris. Cette solution a été très
critiquée. Pourtant, elle montre le souci de Viollet-le-Duc de restituer les
formes médiévales. Il rappelle que la cathédrale est le fruit des hommes et
qu’elle est construite avec le temps. C’est une œuvre pédagogique et un livre
d’histoire. D’autres apports ont été réalisés pour donner à la cathédrale une
silhouette d’un monument du XIIIe siècle, notamment des arcs-boutants du chœur
et de la nef, complétés par des gargouilles qui remplacent les tuyaux de plomb
placés au XVIIIe siècle, ainsi que la galerie des rois (sur la façade), entièrement
détruite à la Révolution. Avec les gargouilles, on peut dire que l’intervention
de l’architecte porte sur la structure du monument, mais aussi sur le décor
sculpté, où il réalise véritablement une œuvre de créateur.
Enfin,
en 1864, Viollet-le-Duc procède à la mise en couleur des vitraux, avec quelques
couleurs comme l’ocre rouge, jaune ou le rose vif. Pour accompagner le
cheminement du fidèle dans le parcours symbolique le menant de l’obscurité à la
lumière, il éclaircit les tons des chapelles depuis l’Occident vers l’Orient.
Il donne ainsi une logique à la cathédrale. Viollet-le-Duc se fait ici
restaurateur du regard, à la recherche de l’imaginaire médiéval.
La
restauration de Notre-Dame de Paris est pour Viollet-le-Duc son chantier
emblématique, dans lequel il s’est mis en quête des formes primitives du
Moyen-Age.
Le
château de Pierrefonds
Le château de Pierrefonds, imposante
forteresse médiévale, dans l’Oise, est édifié à partir de 1396 pour Louis
d’Orléans. Frère du roi Charles VI, ce prince s’oppose au clan des Bourguignons
dont le chef, Jean sans Peur, le fait assassiner en 1407, interrompant de ce
fait la construction du château. Par la suite, celui-ci devient une forteresse
militaire imprenable, par la qualité de son double étage de défense. Il est
réparé après la guerre de Cent Ans, puis démantelé par Louis XII en 1616 après
un siège, pour interdire toute nouvelle rébellion.
Pendant
près de deux siècles, plus personne ne se préoccupe des ruines de l’ancienne
forteresse. Puis, dès la fin du XVIIIe siècle, Pierrefonds est fréquenté par
des promeneurs venus de la forêt de Compiègne. Il devient une ruine romantique
célèbre reproduite par des peintres amateurs de pittoresque. En 1858,
Viollet-le-Duc démontre à l’impératrice Eugénie que ce serait une œuvre
glorieuse que de remettre en état primitif la vieille forteresse. Napoléon III
lui ouvre alors un crédit de 4 millions de francs sur sa cassette. La Description du château de Pierrefonds de
Viollet-le-Duc comporte un état complètement restitué de Pierrefonds en
perspective cavalière, même si la décision avait été prise de ne restaurer
seulement que le donjon et deux tours. Il conseille même de ne pas restaurer la
totalité, pour éviter une ambiance assez
triste. Mais, plus les travaux s’accélèrent et plus on s’achemine vers le
parti d’une restauration générale : en 1861, le principe de ruine pittoresque est abandonné pour
celui de résidence impériale,
c’est-à-dire d’un lieu réservé aux divertissements d’une cour. Viollet-le-Duc
doit donc s’adapter : il fait construire un escalier supplémentaire et une
galerie attenante à la Salle des Preuses (la salle de bal). De la restauration,
on passe ainsi à la recomposition d’une architecture médiévale, une libre
interprétation de cette époque. Pierrefonds bénéficie alors d’un financement
privilégié : plus de six millions de francs y sont consacrés (l’équivalent
de ce qu’a coûté l’Opéra Garnier !).
Le château est une véritable symphonie architecturale : l’extérieur
est assez brut (un quadrilatère flanqué de huit grosses tours), tandis que la
cour extérieure, d’un style se rapprochant de celui de la Renaissance, surprend
le visiteur. Elle témoigne des talents d’ornemaniste de Viollet-le-Duc. De
plus, l’architecte a choisi de faire réaliser des sculptures représentant les
métiers artisanaux du Moyen-Age, l’objectif étant alors de restituer une
ambiance médiévale plutôt que de se conformer à la réalité historique.
Le
donjon, non pas isolé mais adossé à la façade principale, abrite les
appartements impériaux respectant en cela sa fonction médiévale d'accueillir la
demeure seigneuriale. La chapelle,
elle, est une pure invention. A l’intérieur,
dans des pièces comme la chambre d’Eugénie ou le cabinet de travail de Napoléon
III, Viollet-le-Duc a conçu des décors de lambris sculptés et de peintures qui
annoncent l’Art Nouveau, avec cinquante ans d’avance, par le foisonnement des
motifs floraux et la vivacité des tons.
Cependant, la chute de l’Empire en 1870 stoppe
les travaux sans que le couple impérial n’y ai passé une seule nuit.
Condamné par beaucoup qui n'y voient qu'un
simple décor de théâtre, le château de Pierrefonds reste un monument suscitant
la polémique. Vision sublimée de l'art médiéval, Pierrefonds symbolise l'union de
la rigueur de l'étude archéologique et de la légende. Véritable château de
conte de fée, il témoigne à travers son concepteur, Viollet-le-Duc, de la
volonté du Second Empire de concilier histoire et modernité.
B) John Ruskin s'oppose à la réinvention et Boito choisit la position médiane
L’histoire de la restauration en architecture est parallèle à l’évolution
et à l’importance nouvelle que prend la critique d’art au 19ème
siècle.
A l’opposé des idées intellectuelles du courant néo-classique, John Ruskin,
(1819-1900) un écrivain, poète, peintre et critique d'art britannique, tente
une approche plus romantique et « sensible » de la restauration.
L’authenticité du patrimoine
Fils unique d'une riche famille, il a étudié l’art et la religion et est
très vite publié grâce à la fortune de sa famille. C’est dans ses œuvres
majeures The Seven Lamps of Architecture (1849) et surtout dans The
Stones of Venice (1853) que Ruskin propose une nouvelle façon
d’appréhender l’art.
Ruskin est donc considéré comme le porte-parole des théories romantiques du
19ème siècle. Il condamne sans appel, la restauration comme étant
une solution hypocrite. « Ce que l’on nomme restauration signifie la
destruction la plus complète que puisse souffrir un édifice ». Selon cette théorie, un monument est un ensemble
organique qu'il faut soutenir par un entretien et des réparations discrètes,
mais qu'il faut laisser mourir aussi quand son terme est arrivé. La ruine est,
aux yeux des romantiques, le stade ultime et le plus exaltant de la forme du
monument.
Ruskin et ses adeptes prônent une vérité archéologique, un respect du
bâtiment originel même s’il est à l’état de ruines. Et c’est dans cette vérité
que Ruskin voit une harmonie esthétique. Ainsi l’œuvre prend son sens dans
l’authenticité.
Art et économie
Ruskin s’intéresse à l'économie à partir de ses réflexions sur l'art et
l'architecture. Il donna des conférences à Manchester, intitulées The
Political Economy of Art. Il évoque dans ce discours un principe
essentiel pour lui : « Le gouvernement
et la coopération sont en tout temps et toutes choses, les lois de la vie.
L'anarchie et la concurrence sont en tout temps et toutes choses, les lois de
la mort ». Il déclare ensuite « Il n'y a pas d'autre richesse que la vie
».
Ruskin ne voyait donc pas l'économie de façon utilitariste en termes
d'échanges marchands, mais en termes moraux. Son anticapitalisme n'est
cependant pas tout à fait socialiste, même s'il influença fortement la pensée
de socialistes britanniques comme William Morris. Il admirait plus l'organisation
d'une société vitaliste et paternaliste (doctrine politique qui définit comme
moralement souhaitable qu'un agent privé ou public puisse décider à la place
d'un autre pour son bien propre. Cette doctrine s'oppose au libéralisme).
William Morris (1834-1896) est un designer textile, imprimeur, écrivain et
architecte britannique. Il est célèbre à la fois pour ses œuvres littéraires,
son engagement politique, son travail d'édition et ses créations dans les arts
décoratifs. Il fut entre autre une personnalité clé de l’émergence socialiste
britannique en contribuant à la fondation de la Socialist League en 1884.
C’était un parti politique de tendance socialiste et communiste, et qui compta
parmi ses membres Eleanor Marx.
Morris partage les idées de John Ruskin et s’engage à ses côtés pour prôner
la « non-restauration. En accord avec Ruskin la restauration enlève toute
authenticité aux œuvres. Il participe à la création de la Society for the
protection of Ancient Building « qui s'attache au respect du monument comme
document historique et souhaite l'étendre, au-delà du Moyen Âge, à toutes les
périodes ».
Camillo Boito
Camillo Boito (1836-1914) est un architecte italien,
aussi publiciste et historien formé à l’Académie des Beaux-Arts de Venise.
Il gagne le concours pour il palazzo delle Debite, à Padoue en 1874, qu’il place à côté du
Palais de la Raison, monument important dans le quotidien des riverains. Au
travers de la carrière de Boito, cet exemple est l’un des seuls à se démarquer
de la restauration classique, car l’architecte
insère un style nouveau qui se démarque de celui du quartier.
Malgré ses œuvres d’architectures peu nombreuses, on
pourra tout de même citer l’hôpital civique de Gallarte (1871), les écoles de
Regia Carrarese à Padoue (1880), ainsi que les écoles de la rue Galvani à Milan
(1888).
Au 19ème siècle, le climat de
renouvellement politique et culturel européen engage les académies dans un
débat qui se soumet à un idéal commun : la création d’une nouvelle
architecture « moderne, indépendante et nationale ». Boito est alors,
dans l’Italie de la seconde moitié du 19ème siècle, un théoricien
qui vise à relier tâche civile et action culturelle.
L’admiration de Boito pour Viollet-Le-Duc ne
l’empêche pas de contester le principe de « remise en état ». Boito
choisit, au contraire, de respecter les valeurs formelles et historiques du
monument tout en voulant lui rendre son caractère propre.
En effet, en 1880, deux conceptions contradictoires
de la restauration s’affirmèrent presque en même temps ; elles furent
soutenues l’une par Lucas Beltrami, et l’autre par Camille Boito.
Celle de Beltrami partait du principe qu’un
restaurateur devait aussi être historien, connaître l’histoire du bâtiment, et
donc travailler en se fondant sur des témoignages.
Celle de Boito, jugeant périmées les conceptions de
la restauration romantique et de la restauration historique, affirmait que la
restauration devait être conservation, puisque le respect des monuments est une
chose à laquelle on ne peut renoncer. Boito estimait donc qu’il était
nécessaire de conserver l’authenticité de l’œuvre, et par conséquent de donner
une priorité à la consolidation.
Les principes de Boito ne furent admis qu’en 1931,
lorsque la conférence d’Athènes les prit à son compte.
Boito perçoit le changement de style de
l’architecture comme une « révolution sociale », qui, pour ne pas
être coupée du peuple, doit avoir un caractère national. Selon lui, la création
demande « l’apport de la société entière ». Il souhaite donner à
l’architecture italienne une importance équivalente à celle de la langue
nationale.
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